Cet article est le premier d’une série de six qui se donne pour ambition de présenter ce qu’est la recherche scientifique. Dans ce texte d’introduction, je présente le but que je me suis fixé ainsi que l’organisation globale de l’exposé. Autant le dire tout de suite : le sujet étant vaste, ce but ne sera probablement pas atteint de façon satisfaisante et encore moins de façon exhaustive.
Nos ancêtres, alors qu’ils habitaient encore dans des cavernes, avaient déjà commencé à expérimenter la Nature. Nous leur devons la domestication du feu ainsi que la création et l’utilisation des premiers outils, fruits de la transmission d’un savoir-faire perfectionné de générations en générations à force d’expérimentations nouvelles et d’observations indéniablement pertinentes.
Plus tard, des alignements mégalithiques visiblement reliés à la position des astres dans le ciel à certaines dates semblent nous indiquer que les phénomènes du ciel ont envahi les préoccupations des hommes. Nos aïeuls débutaient ainsi une quête pour la connaissance et pour la maîtrise des éléments qui se poursuit et se prolonge encore aujourd’hui.
La recherche scientifique s’inscrit dans la vaste histoire de l’humanité, dans ce qu’elle a de plus noble et de plus humain.
De plus noble parce que l’activité de recherche est l’une des activités les plus élaborées qui soit, à la poursuite des buts les plus intimes et les plus purs de notre existence : notre passé, notre présent et notre futur, sous toutes leurs formes.
De plus humain, car elle requiert une composante de nous même dont la Nature a bien voulu nous gratifier, mais que nous ne semblons pas partager avec d’autres créatures de notre entourage, la raison. Sous sa forme active, elle nous permet d’observer notre environnement, d’analyser des problèmes, de démontrer des propositions, de comprendre le monde dans lequel nous sommes plongés, de pousser dans ses retranchements les plus subtils notre intelligence et aussi d’agir sur la Nature dont nous perçons petit à petit les secrets.
L’accroissement de la connaissance, sujet de préoccupation de toutes les cultures humaines, est à la base de nombreux bouleversements dans le regard que l’Homme porte sur ce qui l’entoure, et dans la place toujours plus ambiguë qu’il détient dans la Nature, en tant que spectateur et en tant qu’acteur.
Cette série d’articles, destinés à un large public, se donne pour but de décrire, de mon point de vue très personnel, ce qu’est la recherche scientifique. Je suis moi-même participant de cette recherche, en tant que chercheur en physique-mathématique, et, de par mes lectures, je suis aussi observateur et témoin de ce qu’elle a été par le passé, de ce qu’elle est dans notre quotidien, de son fonctionnement et de ses apports dans d’autres domaines que le mien.
Comme toujours lorsqu’on parle d’un sujet aussi compliqué, il est bon de commencer par faire le point sur le vocabulaire de base, et donc de clarifier ce qu’on entend par recherche. Plus précisément encore, je chercherai à cerner ce qu’est la recherche scientifique. Comme il s’agit d’un vaste programme humain, il est utile de replacer ce projet dans le contexte général de la connaissance et de la curiosité naturelle dont fait preuve notre espèce. C’est l’objet des deux premiers articles, l’un donnant le contexte général sur ce qu’est la connaissance, le savoir et la recherche, l’autre s’attachant à la démarche scientifique elle-même.
L’article suivant est consacré aux spécificités de la recherche scientifique, dans ce qu’elle se propose de réaliser, dans ses méthodes d’investigation, dans le cadre général de la recherche en général et de la connaissance en particulier, au sens très précis défini et utilisé dans cette série d’articles.
Je dresse ensuite un panorama certainement très incomplet des erreurs courantes concernant la recherche scientifique. J’ai pensé qu’il était utile de corriger certains points précis qu’on entend parfois sur l’activité de recherche. Dans une certaine mesure, le lecteur pourra ainsi participer plus objectivement aux débats récurrents sur la politique de la recherche et de l’innovation, en cernant mieux ce qui relève de la réalité de ce qui relève de fantasmes.
Après ce large spectre de sujets abordés, le dernier article offre des conclusions sur cette série d’articles.
Les points de vue décrits ici sont très personnels, et il n’est pas certain que tous mes collègues y adhèrent complètement. Je m’expose volontairement à la critique, mais je suis certain que nombre d’entre eux partagent la majeure partie de ce que je présente.
Cette série d’articles n’est en aucune mesure un exposé de la science d’aujourd’hui, ni de l’histoire des idées et des découvertes qui l’ont jalonnée au cours des siècles passés. Cependant, afin de rendre le contenu plus sensible et moins abstrait, j’ai eu recours à de nombreux exemples précis. Parfois le lecteur pourra se sentir quelque peu égaré dans des subtilités qui dépassent l’entendement commun. J’ai toujours essayé de simplifier au maximum cette partie technique de mon propos (en sacrifiant parfois les détails historiques, ce que j’admets volontiers). Je sais que je n’y suis pas parvenu à tous les coups. Que le lecteur persévérant veuille bien m’en excuser, la tâche n’était pas aisée ! Vos remarques pourront indéniablement m’aider à améliorer ces textes.
Le discours développé ici est radicalement orienté dans la direction des concepts et des idées portant l’activité de recherche, voire de sa philosophie. Ce parti pris occulte des préoccupations plus terre à terre, celles qui concernent son financement et son organisation administrative. Ces deux composantes sont très importantes lorsqu’on cherche à mettre en place une recherche scientifique de pointe, mais elles ne feront tout au plus que l’objet de quelques remarques égarées ça et là dans les textes qui suivent, sauf dans le dernier, où cette composante trouvera plus d’écho.
Le plan général est le suivant :